Le jeu d’horreur : La peur du choix

Le jeu vidéo a longtemps, depuis l’écriture de ses actions en ligne de code sur les premiers jeux sur ordinateur, proposé au joueur de faire des choix. C’est à lui de choisir ce que son personnage effectuera et il devra endosser seul les conséquences positives ou négatives.

Donjon & Dragon programmé sur PC en BASICS (langage informatique)

Grandement inspiré du jeu de rôle sur table, activité où un groupe de personnes viendront interpréter des personnage dont les actions seront déterminées par des lancers de dés et des choix oraux, Donjon & Dragon sera l’un des premiers à être adapté en jeu vidéo à partir de 1977, réalisé par un certain Daniel Lawrence, sur PC. Pour y jouer il suffisait tout simplement d’écrire ce que notre personnage devait effectuer sans aucun élément visuel. Toutes les actions n’étaient pas réalisables, elles étaient prédéfinies par le développeur lui-même. Les choix étaient donc limités mais pouvaient être lourds de conséquences.

Aujourd’hui, on retrouve cette mécanique de choix dans une multitude de genre, plus ou moins poussé, et dont l’impact peut varier en intensité. Néanmoins, je vais m’intéresser aujourd’hui à un thème du jeu vidéo qui commence à faire parler de lui : l’horreur.

Ce thème est loin d’être nouveau. Inspiré directement du cinéma, le jeu vidéo a tenté maintes et maintes fois de se l’accaparer et malheureusement, les résultats sont loin d’être concluants.

Le premier exemple me venant à l’esprit est le Halloween, adapté directement du film du même nom, sur Atari 2600 en 1983. Le jeu se voulait être un “survival-horror”, c’est-à-dire : survivre pour gagner et donc échapper à notre assassin. Cependant, rien qu’en observant une capture de ce jeu, elle peut nous faire ressentir tout et n’importe quoi excepté de la peur avec notamment des couleurs criardes comme on peut le voir ci-dessous. La peur était transmise uniquement par le stress ; le stress de devoir fuir pour faire le maximum de score.  Le thème du jeu n’était donc qu’un contexte pour faire fonctionner une mécanique de jeu. Le joueur ne peut se sentir directement impliqué comme un spectateur peut l’être devant un personnage de film sous un danger éminent.

Halloween sorti sur Atari 2600

10 plus tard, la 3D commence à arriver aussi bien sur nos consoles que sur nos ordinateurs. Un jeu édité par Infogrames va alors voir le jour en 1992 sous le nom de “Alone in the Dark” encore culte aujourd’hui par sa particularité d’être le premier jeu qualifié officiellement de “survival horror” par l’ambiance qu’il arrive à instaurer chez le joueur. Il n’y a plus question de points à gagner ici. Le joueur doit avancer à travers différents niveaux tout en suivant un scénario inspiré d’une nouvelle du célèbre maître de l’épouvante Howard Phillips Lovecraft. La peur s’exprime alors ici par le fait d’échouer, on souhaite réussir à garder notre avatar en vie afin d’avancer. Néanmoins, à force de répétition, la difficulté peut-être surmontée.

Alone In the Dark

Une flopée de jeux vont sortir au fil des années, proposant à chaque fois de nouvelles innovations afin d’effrayer le joueur telle que Amnesia: The Dark Descent sorti en 2010 qui nous propose un voyage horrifique dans les souterrains d’un château nous donnant un sentiment d’angoisse tout le long aussi bien par l’ambiance et la difficulté proposée. Mais beaucoup vont en rester à ce stade là, et dont les véritables moments de paniques se caractériseront par l’apparition de jump scares qui est également la marque de fabrique facile des films d’horreurs.

 

Long couloir lugubre dans Amnesia

On le sait tous, le jeu vidéo emprunte énormément au cinéma (et inversement). Pour preuve un certain genre a commencé à refaire surface : “l’Interactive storytelling” ou tout simplement l’histoire intéractive. Le principe ? Le joueur doit effectuer des choix dans la peau d’un personnage et ces derniers auront un impact sur le scénario. Le premier exemple me venant en tête est celui d’Heavy Rain, développé par le studio Quantic Dream en 2010 dont le but est de retrouver la trace d’un tueur tout en menant l’enquête par le biais de quatre différents personnages. La particularité de ce jeu est qu’il propose 17 fins différentes et celles-ci ne peuvent s’obtenir qu’en fonction de certains choix d’enchaînements d’actions possibles. C’est à ce moment là que j’ai moi même commencé à ressentir une véritable peur. “Que va t-il se passer si je dis à mon personnage de faire ça ?”, “Va t-il réussir à survivre ?” “Est-ce que j’ai fais le bon choix ?”. Pour la première je me suis mis à douter de mes décisions et j’avais peur d’y faire face. Pourtant il ne s’agissait là que d’un jeu d’enquête et non un jeu d’horreur.

Moment de choix dans Heavy Rain

Cela nous mène ainsi à une dernière série de jeu vidéo auxquels j’ai pu m’essayer dernièrement : la collection “The Dark Pictures Anthology” avec Until Dawn (2015) et Man of Medan (2019) sortis exclusivement sur Playstation 4 par le studio anglais Supermassive Games.

Ces jeux sont à mes yeux, le plus proche acheminement entre le cinéma et le jeu vidéo vis-à-vis du genre de l’Horreur. On se retrouve ainsi immergés, pour les deux opus, dans la peau de jeunes adultes qui vont subir différents événements plus ou moins surnaturels mais tout comme Heavy Rain, des choix seront à faire et ce sont ces derniers qui vont déterminer de la survie de chacun des protagonistes.

Personnage d’Until Dawn faisant face à un “screamer”

 

Fortement influencés des Slasher-movies, ces jeux souhaitent nous pousser dans nos derniers retranchements en ne nous laissant très peu de temps pour faire nos choix puisqu’en l’espace de 5 à 6 secondes nous devons faire connaître notre décision.

Il ne s’agit guère d’un genre qui nous pousse à jouer sur de courtes sessions de jeux car on se doit d’être immergé comme on peut l’être à travers un film.

Le gameplay est également agrémenté de phases de QTE (Quick time Event) qui nous demande d’effectuer une certaine combinaison de touches afin d’effectuer ou non certaines actions. Ces phases là peuvent également se révéler fatales sur le destin de nos personnages.

 

Transcendant le film d’horreur, ce genre de jeu vidéo nous offre une nouvelle dimension aussi bien d’immersion que de rejouabilité. On peut en effet tenter une nouvelle partie, si nos choix différent, le dénouement ne sera jamais le même contrairement au film où le héros et le méchant connaîtront à jamais la même conclusion qu’elle soit heureuse ou non.

 

Dylan Gilliot

 

Réflexions pour aller plus loin :

https://www.gameher.fr/blog/lhorreur-dans-le-jeu-video

https://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/09/28/les-jeux-video-d-horreur-ou-survival-horror-un-cauchemar-bien-parti-pour-durer_4775213_4408996.html